Une école franco-russe à coté de la nouvelle église russe à Paris?
Comme on dit, c’est une idée qui est dans l’air depuis déjà longtemps. Depuis plusieurs années, le projet de création d’une école franco-russe à Paris a fait l’objet de nombreux échanges à l’occasion de différentes rencontres et conférences, tant avec des cadres de l’administration russe qu’avec des représentants du ministère français de l’éducation nationale. Ce sujet est redevenu d’actualité avec l’avènement du projet de construction, quai Branly à Paris, d’un nouveau Centre culturel orthodoxe, et il commence à se concrétiser.
Comme on le sait, le gouvernement russe a acquis en 2010 un terrain anciennement occupé par «Météo France». En 2011, ce gouvernement a organisé un concours pour définir un projet de future cathédrale russe à Paris devant être annexée à un Centre culturel orthodoxe. Ce concours a été remporté par l’équipe franco-russe Sade (Manuel Nunez Yanowsky / Miriam Teitelbaum) et Arch Group.
L’association « Maxime and Co » a alors organisé le seul sondage qui ait eu lieu parmi les Russes et orthodoxes de France sur le thème « Quel projet de nouveau centre orthodoxe russe destiné à être construit quai Branly à Paris préférez-vous? ». Ses résultats ont été transmis aux membres du jury, de même qu’aux représentants des autorités russes comme françaises. Plus de détails |
La réalisation du projet a cependant été compromise en 2012 : tant le nouveau président François Hollande que le maire de Paris – Bertrand Delanoe – s’y sont opposés, ce dernier estimant que ce projet détonne dans le quartier historique que constituent les quais de la Seine. Du coup, les parties russe et française sont convenues à l’occasion de la visite du premier ministre russe Dmitry Medvedev en novembre 2012 que le projet serait revu. Précisons que la partie française n’a pas exprimé d’objection de principe à la construction d’un Centre culturel orthodoxe et d’une église russe au cœur de Paris ; seul a fait débat le choix de l’architecture du projet.
Profitant de la visite gouvernementale précitée, « Maxime and Co » a de nouveau adressé aux deux premiers ministres un courrier rappelant les résultats du sondage réalisé en 2011 sur les différents projets d’église et de Centre culturel orthodoxe.
Ce courrier a été l’occasion de proposer de profiter de la remise à plat du projet architectural pour que soit examinée la possibilité d’y inclure un bâtiment qui servirait d’école franco-russe.
« Nous souhaitons attirer votre attention – peut-on lire dans le courrier adressé à Dmitry Medvedev – que la communauté russophone de France tente depuis plusieurs années d’attirer l’attention tant de l’ambassade de Russie, que des ministères et administrations russes responsables du suivi des compatriotes russes à l’étranger de la nécessité d’ouvrir à Paris une école franco-russe. Cet établissement bilingue permettrait à des enfants d’étudier selon un double programme, à l’issue duquel ils seraient admis à passer le baccalauréat et son équivalent russe. Il y a sur Paris des milliers d’enfants issus de familles bilingues dont la majorité perdent leur « seconde langue maternelle », faute de la pratiquer dans les écoles traditionnelles françaises. Une telle école pourrait à terme devenir un établissement scolaire prestigieux qui témoignerait en France de la culture russe aussi bien que le ferait un nouveau centre culturel. De surcroit, un tel établissement bilingue permettrait d’assurer une génération future de personnes à même de jouer un rôle important dans le renforcement des relations entre la France et la Russie. »
Cette proposition de « Maxime and Co » a reçu le soutien du Forum des Russes de France. Elle a également été accueillie favorablement par l’ambassade et a fait l’objet d’un échange particulier entre l’ambassadeur de Russie, A. Orlov, et le premier ministre russe, D. Medvedev.
Quelques semaines plus tard, en février 2012, nous avons appris que les développeurs du projet de Centre culturel orthodoxe se sont vus mandatés pour intégrer dans les nouveaux plans du bâtiment une école élémentaire (5 classes, une cantine, une cour de récréation…). Au même moment, un responsable de l’ambassade a informé le Comité de coordination du Forum que « la question des écoles russes à Paris a été soulevée à l’occasion de la visite en France du vice-premier ministre, Mme O. Golodets, notamment la question de l’ouverture d’un lycée sur le modèle du lycée français Alexandre Dumas de Moscou. »
Ces informations sont encourageantes. La décision de construire à Paris un bâtiment destiné à servir d’école élémentaire est une grande avancée. Toutefois, « Maxime and Co » estime qu’il faut poursuivre les efforts pour obtenir l’ouverture à Paris, non seulement d’une école élémentaire, mais d’une école avec un cycle complet d’enseignement, c’est-à-dire comprenant également collège et lycée. Que cet établissement soit situé dans un seul bâtiment – au sein du Centre culturel, ou divisé en plusieurs annexes, est en fin de compte accessoire.
De plus, les avis divergent à ce jour sur ce que pourrait être cette école : un établissement laïc ou confessionnel (orthodoxe) sur le modèle répandu des écoles privées catholiques sous contrat ? N’est pas non plus tranchée la question du programme d’enseignement qui serait dispensé aux enfants : serait-ce le programme russe, ou bien un programme franco-russe faisant l’objet d’un accord entre les ministères de l’éducation respectifs des deux pays ?
La proposition initiale du gouvernement russe qui consiste à prendre pour exemple le lycée français Alexandre Dumas de Moscou ne satisfera sans doute pas les parisiens russophones : elle risquerait d’aboutir à l’ouverture d’une deuxième école d’ambassade «uniquement russe » qui, en définitive, ne ferait qu’inutilement doublon avec l’école d’ambassade existante et, qui plus est, se situe à proximité.
Une meilleure solution pourrait être la négociation au niveau intergouvernemental d’un programme d’enseignement « franco-russe ». Cette opinion est également partagée par Natalia Grebenkova, responsable de la Commission pour la langue russe du Forum des Russes de France. De tels programmes existent déjà aujourd’hui : ils sont mis en œuvre dans les sections internationales à Saint Germain-en-Laye, Valbonne-Nice, Bordeaux et Strasbourg, mais uniquement au niveau du lycée. Pour ce qui est du collège et de l’école élémentaire, il n’existe rien.
La négociation d’un programme commun de cet ordre est une œuvre de longue haleine qui pourra prendre de un à deux ans. Ce délai est compatible avec celui prévu pour les travaux de construction du Centre culturel orthodoxe (deux à trois ans), que François Hollande a accepté la semaine dernière à l’occasion de son voyage à Moscou. Mais il reste beaucoup de travail en perspective. Et il nous faudra multiplier les efforts pour convaincre les responsables des deux pays de la nécessité pour nous et nos enfants de mettre en place une école bilingue offrant un cycle complet d’enseignement.
Maxime Gédilaghine
Association « Maxime and Co : le monde russophone en France »
Le 1er mars 2013