Modernité et tradition pour le nouveau centre culturel de Paris

Modernité et tradition pour le nouveau centre culturel de Paris

17 janvier, 2014
Dimitri de Kochko, La Russie d’Aujourd’hui

CentreOrthodoxe2_468

Vue depuis le Quais Branly.
Crédit : Wilmotte&Associes SA

Le projet, présenté le 17 janvier à la presse, est exposé au public pendant le week-end du 18-19 janvier dans la résidence de l’ambassadeur de Russie, rue de Grenelle, exceptionnellement ouverte à tous les visiteurs.

Autour de l’église elle-même, il y aura une salle d’exposition, un centre paroissial avec toutefois une cafétéria « à la russe » ouverte au public et une école franco-russe non confessionnelle pour 150 élèves accueillis dans 5 salles de classes de trente. Le projet initial ne prévoyait pas d’école mais la communauté russe de France, appuyée par l’ambassadeur de Russie, Alexandre Orlov, l’a demandée et a été entendue par les autorités de Moscou. Le tout est construit en pierre de Bourgogne feuilletée et dans un style moderne sans ostentation. C’est la pierre de taille la plus répandue dans ce très « beau quartier » de Paris, proche de la Tour Eiffel et au bord de la Seine.
L’église elle-même est bâtie dans l’esprit des églises russes des XV-XVII siècles des villes historiques de Vladimir et Souzdal et des cathédrales du Kremlin de Moscou, avec des murs massifs de couleur ocre clair, ici allégés par des incrustations en verre et l’effet feuilleté. Les cinq coupoles, grandes et couvertes d’or

CentreOrthodoxe5_468

Vue depuis le pont de l’Alma.
Crédit : Wilmotte&Associes SA

mat, ce qui devrait moins contrarier des esprits chagrins, sont en forme de bulbes, très associés à l’image de la Russie pour le public français. Le tout est moins haut que ne le permet le PLU, pour rester à hauteur et volume compatible avec les constructions environnantes. Le clocher est, comme l’exige la tradition canonique russe, situé à part en haut de la salle des expositions. Le tout occupe 4.650 m2 à l’angle du quai Branly et de l’avenue Rapp, précédemment dévolus à deux bâtiments de météo France qui doivent être démolis tous les deux. Le projet prévoit une voie de passage privée mais ouverte le jour au public, un dégagement d’une partie du Palais de l’Alma, mitoyen, jusqu’à présent dissimulé à la vue, et des espaces végétalisés.

Le projet « n’est plus du tout dans l’esprit du concours de 2011 » qui avait confié le projet à un autre cabinet d’architectes mais avait été ensuite contesté par le maire de Paris Bertrand Delannoé, insiste Mme Borina Andrieu, directrice responsable du projet au cabinet de l’architecte Jean-Michel Wilmotte qui a réalisé la nouvelle version. Cette dernière a cette fois été acceptée par la Préfecture de Paris le 24 décembre 2013, sans soulever d’objections du maire sortant de Paris.

Contexte

CentreOrthodoxe7_468

Vue depuis la place de la Resistance. Crédit : Wilmotte&Associes SA

Au printemps 2010, en pleine année croisée France-Russie, la Russie avait remporté l’appel d’offres pour acquérir ce terrain magnifiquement situé dans un des plus beaux et des plus visibles quartiers de Paris. Le prix d’achat n’a jamais été confirmé mais le chiffre le plus communément avancé est de l’ordre de 60 millions d’euros. Un appel à projets avait été lancé très rapidement et 10 candidats ont été présentés au public et à un jury, comprenant des Russes et des Français, des représentants de l’église orthodoxe russe et de la Mairie de Paris. En mars 2011, le jury a voté en faveur de l’architecte espagnol Manuel Nunez Yanowsky. Ce dernier, en équipe avec des architectes russes et français, proposait une église recouverte d’une « canopée » en verre symbolisant le voile de la Vierge. Les représentants de la Mairie de Paris défendaient avec ardeur, selon les témoignages des membres du jury d’alors, un projet présenté par Frédéric Borel et associés, qui avait déjà des projets en cours avec l’équipe du maire Bertrand Delannoé. Son projet, résolument moderne, voire moderniste et comportant au moins autant d’éléments kitch que celui de Nunez, évoquait une forme de minaret.

En janvier 2012, la Russie dépose une demande de permis de construire à la Préfecture. Coup de théâtre : le maire de Paris Bertrand Delannoé s’y oppose et fait des déclarations très hostiles aux plans de l’architecte Nunez, le traitant de « pastiche » et rejetant l’idée de canopée. Ce qui surprend c’est qu’il promeut en revanche, malgré des difficultés techniques et un coût prohibitif, au centre de Paris, au-dessus du quartier des Halles qu’il a décidé de reconstruire. De plus, la future église se trouve sur les bords de la Seine, où le maire a ses projets qui se heurtent à l’opposition de la maire de droite du 7ème arrondissement et ancienne ministre Rachida Dati. On peut vraisemblablement y ajouter la pression d’une partie de son entourage, volontiers violemment anti-russe et viscéralement hostiles au président russe Vladimir Poutine. Il faut aussi ajouter que d’autres objections, plus techniques, ont été opposées au projet Nunez par d’autres organismes.

Lire plus en détail notre article relatif au projet d’école franco-russe à Paris

Les Russes sont d’abord embêtés, ne comprenant pas très bien pourquoi une opposition aussi violente survient alors que la ville faisait partie du jury et ne sachant pas quoi faire à l’égard de Nunez car le Concours ne prévoyait pas de dédit. Nunez Yanowsky se lance du reste actuellement dans des poursuites judiciaires pour tenter d’obtenir des dommages et intérêts. Comme le permis de construire est délivré par la préfecture et non le maire et que Nicolas Sarkozy est encore au pouvoir, la partie russe en reste au droit et au respect des décisions du jury, attentive toutefois à d’éventuelles objections techniques. Avec la victoire de François Hollande, du même camp que Delannoé, il est clair que la préfecture ne donnera pas le permis. En novembre 2012, la Russie retire son projet. Un groupe de travail franco-russe est constitué. Le cabinet J.M Wilmotte, qui était arrivé second au concours et qui vient alors de remporter le projet du Grand Moscou en Russie tout en ayant l’habitude de travailler à Paris, avec la Mairie et d’autres partenaires, se voit confier la tâche de proposer un nouveau projet qui soit cette fois accepté. Il aurait aussi l’avantage d’éviter certains écueils techniques auxquels se heurtait le projet Nunez.

La plus grande discrétion a été observée cette fois sur la préparation du projet. Le Patriarche Cyrille (Kirill), chef de l’église orthodoxe de toutes les Russies, a donné sa bénédiction aux plans, et a même fait quelques suggestions, selon l’ambassadeur Alexandre Orlov.
La première pierre devrait être posée le 6 juin, à l’occasion de la commémoration du débarquement, ou le 12, pour la fête nationale russe de la Constitution post soviétique qui a vingt ans cette année. Les travaux de construction seront réalisés par Bouygues et on invite chez Wilmotte à s’adresser à cette compagnie de BTP pour connaitre le prix.

 

Source: http://larussiedaujourdhui.fr/art/2014/01/17/modernite_scolarite_et_tradition_pour_le_nouveau_centre_cultuel_russe_de_27445.html

En haut